vendredi 19 décembre 2014

Les sorties MsK pour janvier, février, mars 2015

3 belles sorties à ne pas manquer aux Éditions Le Masque MsK prévues pour les mois de janvier, février et mars. 
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Le 07 Janvier 2015

The Young World T1 de Chris Weitz
Genre : Dystopie
Couverture de The Young World Trilogy, Tome 1 : The Young World
Bienvenue à New-York, ville en voie d'extinction.
Manhattan, XXIe siècle. Un virus a décimé toute la population des États-Unis, à l'exception des adolescents. Plus d'électricité, plus d'eau courante, plus de transports, plus d'Internet, les jeunes sont livrés à eux-mêmes dans la ville qui ne dort jamais. Ils se partagent alors le territoire et forment des tribus qui coexistent plus ou moins pacifiquement. 
Jefferson, le leader des Washington Square, tente d'organiser la survie des siens avec l'aide de Donna, dont il est secrètement amoureux.  Privés des repères et lassés d'attendre la mort, ils partent à travers Manhattan pour tenter de retrouver l'origine du virus qui a décimé le continent.

le 11 février 2015

Black Ice de Becca Fitzpatrick
Genre : Romance-Thriller
Couverture de Black Ice
L'appel du danger est irrésistible.
En décidant de passer un weekend à la montagne avec sa meilleure amie, Britt était loin d'imaginer que son ex-petit ami, Calvin, serait aussi de la partie. Alors qu'elle tente de réfléchir à leur histoire, la jeune fille se retrouve prise dans un blizzard qui bloque sa voiture au beau milieu de nulle part. En cherchant refuse dans un chalet de montagne, elle découvre deux inconnus. Deux malfaiteurs en fuite qui la prennent en otage. Calvin parviendra-t-il à la retrouver ? Les apparences sont trompeuses au milieu du blizzard... Qui doit-elle fuir ? En qui avoir confiance ? 


le 11 mars 2015

Red Queen de Victoria Aveyard
Genre : Fantastique
Mare Barrow dix-sept ans, tente de survivre dans une société qui la traite comme une moins que rien. Quand elle révèle sans le vouloir ses pouvoirs magiques dont elle ignorait l’existence, sa vie change du tout au tout. Enfermée dans le palais de la famille royale, promise à un prince, elle va devoir apprendre à déjouer les intrigues de la cour, à maîtriser un pouvoir qui la dépasse, et à reconnaître ses ennemis.


En Bonus ...

 Chapitre 1 de Red Queen

Je déteste le  Premier Vendredi. La foule se presse toujours au village en ce moment, avec la chaleur estivale, qui a envie de ça ? Pour moi qui parviens à rester à l'ombre, ce n'est pas si terrible, mais la puanteur des corps dégoulinants de sueur qui se sont affairés toute la matinée pourrait faire tourner le lait. L'air miroite sous l'effet des températures extrêmes et de l'humidité. Les flaques d'eau consécutives à l'orage d'hier sont brûlantes. Des rubans multicolores d'essence et de lubrifiants s'y enroulent. 
L'animation du marché est en train de retomber : tous les marchands ferment boutique pour la journée. Ils sont distraits, inattentifs, et je n'ai aucun mal à piquer ce que je veux dans leur stock. Une fois que j'ai terminé mon petit tour, mes poches sont remplies de trésors et j'ai même une pomme pour le trajet. Pas mal pour quelques minutes de travail seulement. Je profite du mouvement de foule pour me laisser porter par ce courant humain. Mes mains se mettent en chasse, le geste est toujours léger, rapide. Quelques billets trouvés dans la poche d'un homme, un bracelet pris au poignet d'une femme.  Rien de trop gros. Les villageois sont si occupés à se traîner dans la même direction qu'ils ne remarquent pas la présence d'une voleuse parmi eux. 
Les grands bâtiments sur pilotis auxquels le village doit son nom - Pilotis donc, très original - se dressent tout autour de nous, à trois mètres au-dessus du sol boueux. Au printemps, la rive la plus basse est sous l'eau ; pas en août, le mois de l'année où les villageois sont menacés par la déshydratation et l'insolation. presque tout le monde attend avec impatience le Premier Vendredi : le travail et l'école terminent plus tôt. Pas moi. Non, j'aimerais cent fois mieux être en cours et ne rien apprendre dans une classe pleine d'enfants. 
De toute façon, l'instruction, c'est bientôt fini pour moi. Mon dix-huitième anniversaire approche et, avec lui, la conscription. Je ne suis pas en apprentissage et je n'ai pas de boulot, autrement je serai envoyée à la guerre avec tous les autres "fainéants". Pas étonnant qu'il n'y ait aucun poste à pourvoir : tous, hommes, femmes, et même enfants, font ce qu'ils pensent pour éviter l'armée. 
Mes trois frères sont partis à la guerre chacun leur tour, l'année de leur dix-huit ans, envoyés se battre dans la région des Lacs. Shade est le seul à savoir écrire quelque chose de lisible, et j'ai une lettre dès qu'il a le temps. Je n'ai eu aucune nouvelle de mes autres frères, Bree et Tramy, depuis plus d'un an. Enfin, comme on dit, pas de nouvelle, bonne nouvelle. Certaines des familles restent des années sans avoir le moindre signe de vie de leur progéniture et découvrent, un beau matin, leurs fils ou leur fille sur le seuil de chez eux, en permission ou, pour les plus vernis, réformés. Le plus souvent, malheureusement, les parents reçoivent un courrier sur un papier bien épais, frappé du sceau royal - une couronne -, les remerciant en termes brefs d'avoir offert la vie de leur enfant. Parfois, il s'accompagne d'une poignée de boutons prélevés sur son uniforme en loques. 
J'avais treize ans quand Bree est parti. Il m'a embrassé sur la joue et m'a donné une paire de boucles d'oreilles, à partager avec notre sœur Gisa. Des perles en verre, d'un rose brumeux qui rappelait le coucher de soleil. Nous nous sommes percées les oreilles nous-mêmes ce soir-là. Tramy et Shade ont perpétué cette tradition au moment de suivre ses traces. Aujourd'hui, Gisa et moi portons chacune, à une oreille, trois minuscules pierres qui nous rappellent que nos frères se battent quelque part. Je n'arrivais pas à croire la réalité de leur départ jusqu'au jour où un légionnaire en armure brillante s'est présenté pour les emmener, l'un après l'autre. Et cet automne, il viendra pour moi. J'ai déjà commencé à économiser - et voler - pour offrir à Gisa des boucles d'oreilles le moment venu. 
"N'y pense pas." Voilà ce que maman me répète sans arrêt. Ne pas penser à l'armée, ni à mes frères, ni à rien. Merci pour le conseil, maman. 
A l'intersection au bas de la rue, la foule se densifie ; d'autres villageois se joignent à la procession. Une bande de mômes, des petits voleurs en herbe, se jettent dans la mêlée. Leurs doigts intrusifs sont collants. Ils sont trop jeunes pour être doués, et les policiers ne tardent pas à intervenir. 
Je sens une minuscule pression à la taille et, d'instinct, je me retourne. J'empoigne la main assez insensée pour me faire les poches et la serre de toutes mes forces pour que le filou ne puisse pas s'enfuir. Je me retrouve nez à nez non pas avec un gamin maigrichon mais avec un sourire moqueur. 
Kilorn Warren. Apprenti pêcheur, orphelin de guerre et mon seul véritable ami sans doute. Nous nous battions constamment quand nous étions enfants. Maintenant nous avons grandi - et qu'il mesure une tête de plus que moi  -, j'évite de le provoquer. Il est toujours utile. Notamment pour atteindre les étagères les plus hautes. 
- Tu es de plus en plus rapide, ricane-t-il en se libérant. 
- Ou toi de plus en plus lent.
Il lève les yeux au ciel avant de me piquer ma pomme.
- On attend Gisa ? Demande-t-il après avoir mordu dedans. 
- Elle a une dispense pour aujourd'hui. Elle travaille. 
- Alors on y va dans ce cas. Aucune envie de rater le spectacle. 
- Quelle ce serait...
- Tss-tss, Mare, me taquine-t-il en agitant un index. C'est censé être un divertissement.
- Tu veux dire un avertissement, abruti.
Il s'éloigne déjà à grandes enjambées, me forçant presque de courir pour rester à sa hauteur. Il a une démarche ondulante, déséquilibrée. Ce serait, à l'entendre, parce qu'il a le pied marin. Il n'est jamais parti en haute mer pourtant. Enfin bien-sûr les longues heures sur le bateau de pêche de son maître - même s'ils limitent leurs sorties au fleuve - ont forcément des conséquences. 
Comme mon père, celui de Kilorn a été envoyé au combat. En revanche, alors que le mien est rentré avec une jambe et un poumon en moins, M. Warren est revenu dans une boîte à chaussures. La mère de Kilorn s'est enfuie juste après, laissant son jeune fils se débrouiller tout seul. Il a bien failli mourir de faim, ce qui ne l'a pas empêché de continuer à me provoquer. Je l'ai nourri, pour ne pas avoir à me trimballer avec un sac d'os, et aujourd'hui, dix ans plus tard, il est toujours là. Il a la chance, au moins, d'avoir trouvé un apprentissage, ce qui lui évitera la guerre. 
Nous atteignons le pied de la colline où la foule, plus dense, pousse de toutes parts. La présence au Premier Vendredi est obligatoire, à moins d'être, à l'instar de ma sœur, un "travailleur indispensable". A croire que broder le soir relève du nécessaire...
Mais les Argents raffolent du luxe, n'est-ce pas ? Même les policiers, certains d'entre eux en tout cas, pourraient être soudoyés par des pièces qu'elle a réalisé. Ce qui ne signifie pas que je suis au courant de ce genre de trafics. 
Les ombres autour de nous s'épaississent à mesure que nous gravissons les marches de pierre, vers le sommet de la côte. Kilorn, qui les monte deux par deux, manque de me semer. Il s'arrête pour m'attendre d'un air moqueur. Ses yeux vert bouteille dansent. 
- J'oublie parfois que tu as des jambes d'enfant.
- Mieux vaut les jambes que le cerveau !
Je lui donne une petite tape sur la joue au moment de le dépasser. Son rire me poursuit dans l'escalier. 
- Tu es de plus mauvais poil que d'habitude. 
- Je déteste ce truc. 
- Je sais, murmure-t-il, sérieux pour une fois.  
Nous débouchons alors dans l'arène, écrasée par le soleil au zénith. Érigée dix ans plut tôt, elle est de loin la construction la plus importante de Pilotis. Elle est évidemment minuscule en comparaison de celles, colossales, que l'on trouve dans les villes, mais ses arches d'acier et ses centaines de mètres de béton suffisent à couper le souffle d'une fille qui a grandi à la campagne. 
Les policiers sont partout, leurs uniformes noir et argent se détachent dans la masse. C'est le Premier Vendredi, et ils sont impatients d'assister aux festivités. Ils sont armés - fusils ou pistolets - alors qu'ils n'en auront pas l'usage. Ainsi que le veut la tradition, les policiers sont des Argents, et les Argents n'ont rien à craindre de nous, les Rouges. Tout le monde le sait. Nous ne sommes pas leurs égaux, même si rien ne nous différencie en apparence. Le seul signe distinctif, extérieur en tout cas, est que les Argents se tiennent bien droit. Nous avons le dos courbé par le travail, l'absence d'espoir et la déception inévitable face à notre sort. 
A l'intérieur de l'arène, il fait tout aussi chaud que dehors. Kilorn, toujours sur le qui-vive, m'entraîne à l'ombre. Pas de sièges pour nous, de simples bancs de béton. Les quelques nobles Argents, eux, jouissent de loges confortables et fraîches. Ils y ont à boire, à manger, de la glace même au cœur de l'été, des fauteuils rembourrés, l'éclairage électrique et autres commodités auxquelles je n'aurai jamais accès. Les Argents ne mesurent évidemment pas leur chance, se plaignent des conditions "misérables". Je leur en donnerais, moi, des conditions misérables ! Nous devons nous contenter de bancs durs et d'écrans vidéo si éblouissants, et au volume poussé si fort, que leurs images font mal au crâne. 
- Je te parie une journée de salaire que c'est encore une main-de-fer qui va gagner, lance Kilorn avant de jeter le trognon de sa pomme dans le sable de l'arène. 
- Je ne parie pas.
Beaucoup de Rouges jouent leurs gains sur ces combats dans l'espoir de récolter de quoi les aider à aller au bout d'une nouvelle semaine. Pas moi. Pas même avec Kilorn. C'est plus facile de voler la bourse d'un bookmaker que d'essayer de remporter un pari.
- Tu ne devrais pas gaspiller ton argent, Kilorn. 
- Je ne le gaspille pas si je gagne. Ça finit toujours par une main-de-fer collant la pâtée à son opposant. 
Les mains-de-fer remportent en effet plus de la moitié des combats : leurs talents, et leur adresse en particulier, les rendent plus efficaces dans l'arène que la plupart des Argents. Ils sont plus que jamais dans leur élément, usant de leur force surhumaine pour secouer leurs adversaires comme de vulgaires poupées de chiffon.
- Et l'autre combattant ? 
Je pense à toute la panoplie d'Argents qui pourraient apparaître. Télépathes, fulgurants, nymphus, mains-vertes, peau-de-roche, tous aussi terrifiants les uns que les autres.
- Je ne sais pas trop. Un truc cool, j'espère. Je ne serais pas contre l'idée de m'amuser un peu. 
Kilorn et moi ne partageons pas vraiment le même point de vue sur ce que j'appelle les "exhibitions des Argents". Pour moi, regarder deux athlètes s'étriper n'a rien de plaisant. Kilorn adore ça. "Laissons-les s'entre-tuer, dit-il, ils ne sont pas des nôtres". 
Il ne comprend pas la véritable signification de cet étalage. Ça n'a rien d'un divertissement abrutissant conçu pour offrir aux Rouges un peu de répit après des journées de travail harassant. Il s'agit d'un message froid, calculé. Seuls les Argents peuvent descendre dans l'arène car seuls les Argents peuvent survivre dans l'arène. Il se battent pour faire la démonstration de leur force et de leur pouvoir. "Vous n'êtes pas de taille à nous affronter. Nous sommes meilleurs que vous. Nous sommes des dieux. " Voilà ce qui est écrit dans chacun des coups surhumains qu'ils décochent. 
Et ils ont parfaitement raison. Le mois dernier, j'ai assisté à un combat entre un télépathe et un fulgurant. Le fulgurant avait beau se déplacer à une vitesse époustouflante, invisible à l’œil humain, le télépathe l'a stoppé net. Il lui a suffit du pouvoir de son esprit pour soulever l'autre combattant de terre. Le fulgurant s'est mis à étouffer ; je pense que le télépathe l'étranglait à distance. Quand le visage du fulgurant a viré au bleu, ils ont annoncé la fin du combat. Kilorn a poussé un cri de joie : il avait parié sur le vainqueur. 
- Mesdames et messieurs, Argents et Rouges, bienvenue au Premier Vendredi, pour les Exploits du mois d'août !
La voix du présentateur résonne dans l'arène, amplifiée par les murs. Son ton monocorde transpire l'ennui,  et je le comprends.
A une époque, ces Exploits ne s'apparentaient pas à des duels mais à des exécutions en bonne et due forme. des condamnés, prisonniers et ennemis de l’État, étaient emmenés à Archeon, la capitale, et tués devant une foule d'Argents. Je suppose que ces derniers se sont tellement amusés que les duels ont commencé. Pour assurer le divertissement des nobles. Ça a marqué le début des Exploits, qui se sont propagés aux autres villes, dans d'autres arènes, devant d'autres publics. Les Rouges ont fini par être acceptés dans les gradins, cantonnés aux places les moins chères. Il n'a pas fallu longtemps pour que les Argents construisent des arènes partout, même dans les villages de taille de Pilotis. Et la présence à ces manifestations, autrefois assimilé à un privilège, est devenue obligatoire. Mon frère Shade, prétend que, grâce à ces arènes, les villes ont vu baisser la criminalité et la dissidence rouge. Même les rares actes de rébellion ont disparu. Du coup, les Argents n'ont plus besoin de recourir aux exécutions, aux légions, ou même à la police pour maintenir la paix : deux combattants réussissent tout aussi bien à nous effrayer. 
Aujourd'hui, les deux adversaires en question semblent à la hauteur de la tâche. Le premier à s'avancer sur le sable répond au nom de Cantos Carros, un Argent de la baie de Rade à l'est. Nul besoin de préciser qu'il s'agit d'une main-de-fer. L'écran vidéo diffuse une image plus que parlante du combattant : bras de la taille d'un tronc d'arbre, aux muscles et veines saillantes. Il sourit et je remarque que les rares dents qu'il lui reste sont cassées. 
A côté de moi, Kilorn pousse un cri et les autres villageois se déchaînent avec lui. Un policier lance une miche de pain aux plus bruyants pour leur peine. A ma gauche, un autre tend un morceau de papier jaune vif à un enfant qui hurle. Un "bon élec", autrement dit une ration supplémentaire d'électricité. Tous ces gestes sont là pour nous inciter à applaudir, crier, regarder, alors même que nous n'en avons aucune envie. 
- Continuez comme ça ! Qu'ils vous entendent ! nous encourage le présentateur d'une voix traînante, à laquelle il insuffle autant d'enthousiasme que possible. Et voici son adversaire, tout droit venu de la capitale, Samson Merandus. 
Sans doute le fils cadet d'un  fils cadet qui cherche à se faire un nom dans l'arène. Pâle, il paraît chétif à côté du tas de muscles auquel on peine à trouver forme humaine, mais son armure d'acier bleue brille de mille feux. Il devrait avoir peur, pourtant il affiche un calme déconcertant. 
Son nom de famille me dit quelque chose, ce qui n'a rien d'étonnant. Beaucoup d'Argents appartiennent à des familles célèbres, appelées "Maisons" qui comptent des dizaines de branches. La famille gouvernante de notre région, la Vallée principale, appartient à la Maison Wellle - je n'ai jamais vu le gouverneur Welle de ma vie. Il ne vient dans le coin qu'une ou deux fois par an, et il ne s'abaisse pas à mettre le pied au village rouge. J'ai aperçu son bateau sur le fleuve, une fois, sorte de yacht avec des drapeaux verts et dorés. C'est une main-verte et, sur son passage, les arbres de la rive se sont mis à fleurir, alors que des fleurs jaillissaient de terre, j'avais trouvé ça magnifique, jusqu'à  ce qu'un garçon plus âgé jette des pierres en direction du bateau. Elles ont atterri dans l'eau sans causer le moindre dégât. Ça n'a pas empêché les policier de le mettre au pilori. 
- La main-de-fer va forcément gagner. 
Kilorn fixe le gringalet qui affrontera Cantos Carros à travers ses paupières plissées. 
- Qu'est-ce que tu en sais ? me demande-t-il. Quel est le pouvoir de Samson ? 
- Quelle importance ? Il va perdre ! le narguais-je avant de me tourner vers la piste. 
Les habituels signaux retentissent dans l'arène. Beaucoup se lèvent pour mieux distinguer le spectacle ;  je reste assise en guise de protestation silencieuse. J'ai beau afficher un air calme, la colère bout dans mes veines. La colère et la jalousie. "Nous sommes des dieux", résonne dans ma tête. 
- Combattants, prenez position. 
Ils s'exécutent, plantant leurs pieds dans le sable, chacun à une extrémité de l'arène. Les armes à feu ne sont pas autorisées dans ces combats, et Cantos tire un petit glaive large. Je doute qu'il s'en serve. Samson, lui, ne dégaine aucune arme. Un tic nerveux agite ses mains plaquées le long de ses flancs. 
Un bourdonnement électrique parcourt le public. Je hais ça. Le bruit vibre jusque dans mes dents, mes os, pulsant si fort que j'ai l'impression que quelque chose risque de se briser. Un carillon aigu l'interrompt brutalement. Le combat commence. Je libère mon souffle. 
Le bain de sang est quasi instantané. Cantos fonce tête baissée tel un taureau, projetant du sable dans sa course. Samson évite le coup d'épaule, mais la main-de-fer est rapide. Cantos empoigne la jambe de son opposant et le jette à l'autre bout de l'arène comme s'il n'était fait que de plumes. Les cris d'acclamation du public couvrent le rugissement de douleur de Samson au moment où il percute le mur de ciment. La souffrance est écrite sur son visage. Il n'a même pas le temps de penser à se relever, Cantos est déjà près de lui et le soulève vers le ciel. Samson atterrit dans le sable en tas inerte - à croire que tous ses os se sont brisés. Il réussit cependant à se relever. 
- C'est un punching-ball ou quoi ? s'esclaffe Kilorn. Ne l'épargne pas, Cantos !
Kilorn se fiche d'obtenir une miche de pain ou quelques minutes d'électricité. Ce n'est pas pour cette raison qu'il manifeste sa joie aussi ouvertement. Il rêve de voir du sang, du sang d'Argent, de cette fameuse couleur argentée, couler sur le sable. Peu lui importe que ce soit le symbole de tout ce que nous ne sommes pas, de tout ce que nous désirons. Il lui suffit de le voir pour que le leurre fonctionne, pour qu'il s'imagine qu'ils sont véritablement humains, qu'ils peuvent être blessés et vaincus. Je ne suis pas dupe, moi. Leur sang est une menace, une mise en garde et une promesse. Nous ne sommes pas pareils et nous ne le serons jamais. 
Ses attentes ne sont pas déçues. Même depuis les loges on peut apercevoir le liquide métallique et irisé qui goutte de la bouche de Samson et qui réfléchit le soleil d'été telle une flaque d'eau. Le filet argenté dévale le long de son cou et disparaît dans son armure.
Voilà la véritable différence entre les Argents et les Rouges : la couleur de notre sang. 
Pour une raison inexplicable, cette distinction les rend plus forts et plus intelligents, meilleurs que nous. 
Samson crache, et une gerbe de liquide argenté gicle dans le sable. A dix mètres de lui, Cantos affermit sa prise sur son glaive, prêt à en finir. 
- Pauvre idiot,  marmonné-je. 
Kilorn avait apparemment raison. Ce type n'était qu'un punching-ball...
Cantos s'élance de toutes ses forces dans le sable, l'épée brandie, les yeux en feu. Soudain, il se fige en pleine course, son armure cliquetant sous l'effet de l'arrêt brutal. Le guerrier en sang darde sur lui, depuis le centre de l'arène, un regard qui pourrait réduire des os en poussière. 
Samson claque des doigts, et Cantos se remet en mouvement, suivant la cadence des claquements. Il a la bouche ouverte, comme devenu idiot soudain. Son cerveau ne semble plus lui répondre. 
Je n'en reviens pas.
Un silence de mort plane sur l'arène, tandis que nous assistons à la scène sans comprendre. Même Kilorn a perdu sa langue. 
- Un chuchoteur, soufflé-je. 
Je n'en ai jamais vu dans l'arène - et je doute d'être une exception. Les chuchoteurs sont rares, dangereux et puissants, même parmi les Argents, même dans la capitale. Les rumeurs à leur sujet varient mais on peut les résumer à un fait aussi simple que glaçant : ils peuvent entrer dans votre tête, lire vos pensées et prendre le contrôle de votre esprit. C'est exactement ce que Samson est en train de faire. Il s'est frayé un chemin, en chuchotant, à travers l'armure et les muscles de Cantos, et il s'est introduit dans son cerveau privé de défense. 
Cantos lève son épée, les mains tremblantes. Il tente de s'opposer au pouvoir de Samson, toutefois sa robustesse ne sert à rien face à l'ennemi qui détient le pouvoir sur son esprit. 
Un nouveau mouvement de Samson et du sang argenté éclabousse le sable : Cantos transperce, de sa lame, son armure puis son propre ventre. Malgré la distance, j'entends le bruit écœurant du métal entamant la chair. Alors que Cantos se vide de son sang, la foule retient son souffle. Nous n'en avons jamais vu autant couler ici. 
Les néons bleus s'allument, baignant la piste d'une lueur fantomatique qui signale la fin du match. Des guérisseurs argents se précipitent sur le sable, au secours de Cantos. Les Argents ne sont pas censés mourir ici. On attend d'eux qu'ils combattent avec courage, qu'ils fassent étalage de leurs talents, qu'ils offrent un spectacle distrayant. Pas qu'ils meurent. Après tout, ce ne sont pas des Rouges. 
Je n'ai jamais vu les policiers se déplacer aussi vite. Ils comptent quelques fulgurants parmi leurs rangs, dont les contours se brouillent tandis qu'ils nous poussent vers la sortie. Ils ne veulent pas que nous soyons encore là si Cantos meurt dans le sable. Pendant ce temps, Samson quitte l'arène en véritable titan. Lorsque son regard tombe sur le corps inerte de Cantos, je m'attendais à y percevoir une lueur de remords. Son visage reste pourtant un masque froid, dénué de toute émotion. Ce duel ne signifiait rien pour lui. Nous ne signifions rien pour lui. 
En cours, nous étudions le monde qui a précédé le nôtre, un monde où des anges et des dieux vivaient dans le ciel, régissant la Terre d'une main bienveillante et aimante. Certains prétendent  qu'il s'agit de pures fables. je n'en crois rien. 
Les dieux gouvernent toujours. Ils sont simplement descendus des étoiles. Et l'heure n'est plus à la bienveillance. 




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